Petite analyse du
« système scolaire » après une semaine de stage :
Comme je l’ai dit avant, il y a
certaines choses qui sont comparables à notre système scolaire belge ou même
« européen ». Les enseignants essaient d’enseigner la matière en la
faisant découvrir aux enfants au lieu de la transmettre de manière frontale.
Mais ce qui manque est l’esprit de groupe et cela me gène beaucoup. Les enfants
n’ont aucune notion d’entraide ou de collaboration. C’est la compétition, la
loi du plus fort qui règne dans toutes les classes. Et puis, les enfants ne
savent pas du tout gérer leurs conflits seuls. Tout le temps il y a des enfants
qui viennent moucharder ; « Madame il a dit ceci », « Madame
elle a fait cela ». C’est fatiguant ! Et le pire c’est que les
enseignants prêtent attention à ces remarques. Tout de suite l’enfant dénoncé
est puni.
Puisque les enseignants ne peuvent plus taper les enfants (c'est la direction qui l'interdit) ils les mettent au coin pour faire « l’avion ». L’enfant doit alors étendre les bras horizontalement vers les côté et les garder en l’aire pendant au moins 5 minutes. C’est horrible !
Puisque les enseignants ne peuvent plus taper les enfants (c'est la direction qui l'interdit) ils les mettent au coin pour faire « l’avion ». L’enfant doit alors étendre les bras horizontalement vers les côté et les garder en l’aire pendant au moins 5 minutes. C’est horrible !
Cette loi du plus
fort ne règne non seulement à l’école mais aussi à la crèche. Ici le facteur de
la différence d’âge joue un rôle important. Les plus âgées ont 20 ans, puis il
y a 9 enfants entre 10 et 16 ans, puis nos 3 petits de 4 ans et Anne-Laura
notre bébé de 14 mois.
Les 2 filles de
20 ans sont grandes et nous aident à gérer les autres 13 enfants, ce qui n’est
pas toujours très facile. Ceux entre 10 et 16 ans pensent qu’ils sont grands
mais ils sont quand même encore petits par moments. Surtout lorsqu’il s’agit de
travailler pour l’école ou de structurer leur quotidien.
Les
3 petits : Jevins, Ali et Anjelika sont le plus souvent laissés de côté par les autres. Puisqu’ils
sont assez grands pour s’habiller seul, manger seul et se laver seul on les
oublie parfois. Mais pourtant ce sont eux qui ont beaucoup besoin de nous, de
quelqu’un qui s’occupe d’eux (qui les aide à prendre leur bain, qui joue avec
eux ou qui les met au lit). On nous a expliqué qu’ici en Haïti les
enfants peuvent encore être considérés comme des animaux. Sans volonté. Ceci date des
temps de colonisation et d’esclavage et n’a pas vraiment changé depuis. Certes
ils ne sont plus traités comme des animaux, mais c’est toujours le plus fort
qui « survit ». Chacun pour soi. Cela me fait beaucoup réfléchir et
j’essaie donc de m’occuper beaucoup de ces 3 petits même si par moments c’est
vraiment fatiguant car pour bien faire il faut s’occuper d’eux 24h sur 24h.
(de gauche à droite: Jevins, Jodley, Ali, Anjelika et moi avec Anne-Laura)
Bonsoir Marie, je pense qu'il faut nuancer tes propos. Il est vrai qu'on peut entendre des expressions comme "timoun pa gen volonte" (les enfants n'ont pas de volonté) ou "timoun se tankou zanimo" (les enfants c'est comme les animaux), mais il faut replacer cela dans un contexte. Sinon, tu vas donner une image erronée des haïtiens et d'Haïti et de moi aussi par ce fait.
RépondreSupprimerPremièrement les généralités nuisent toujours. Il est vrai que beaucoup d'haïtiens considèrent que seules les punitions corporelles dures poussent les enfants à obéir. Il est vrai qu'une partie de la population haïtienne fouette et frappe les enfants. Il est vrai que d'une façon générale, l'enfant est mal considéré ou pas considéré du tout. Mais seul le contexte peut donner des clés de compréhension.
En effet, celui-ci est globalement très difficile. La pauvreté extrême amène beaucoup de personnes à s'inscrire dans une logique de survie très poussée.
Dans ces conditions, quelle que soit la société ou le pays, les enfants sont le souffre-douleur des adultes. Ça l'était en Europe il n'y a pas si longtemps que cela. Cette tendance est encore présente dans certains groupes sociaux, même en Belgique. Ce que je veux dire par là, c'est que ce n'est pas spécifique à Haïti. Je pense que la semaine que tu as passée ici ne te montre pas les nuances de la société, de la culture haïtienne ni l'étendue de la pauvreté, de la misère, des conditions extrêmement difficiles dans lesquelles une grosse partie de la population vit, principalement à Port-au-Prince.
En Europe, au siècle dernier je pense, des structures ont été mises en place et des actions concrètes ont été posées. Mais cela a pris du temps pour éradiquer ce genre de pratiques. Et encore, elles ne sont pas totalement déracinées. Le mode d'éducation actuel fonctionne encore beaucoup sur les menaces, les humiliations, le chantage et certaines corrections corporelles "acceptées" par la société.
En Haïti, il n'y a pas de structures assez fortes pour prendre des décisions radicales et surtout pour améliorer les conditions de centaines de milliers de personnes.
(Suite du 1er commentaire qui n'acceptait que 4000 et des mots...)
RépondreSupprimerLa réflexion sur l'esclavage est personnelle et ne se base sur aucune étude. Comme je te l'ai dit, je suis en train de lire un livre sur l'esclavage, et j'y retrouve cette violence féroce, désespérée et bien sûr, je fais un lien. Mais les conditions étaient très difficiles à cette époque aussi. Est-ce l’esclavage l'explication ou la pauvreté, la misère, la ségrégation qui en découle, les humiliations, la honte ? La seule chose dont je suis certaine, c'est que cette situation est très complexe et mérite une étude beaucoup plus approfondie qu'une seule conversation à la table d'un café...
Je te demanderai à l'avenir d'être très prudente avant de citer mon nom sur ton blog. Les paroles s'envolent, les écrits restent.
Par rapport aux punitions corporelles à l'école, je veux préciser que les professeurs le font à l'insu de la direction. L'année passée, nous avons pris des mesures qui en ont diminué l'ampleur. C'est un travail de longue haleine car ce sont des pratiques fortement ancrées dans la culture scolaire. Les professeurs se sentent impuissants et désarmés sans la possibilité d'administrer des punitions corporelles. Nous avons mis en place un système disciplinaire qui se met en place petit à petit. Mais nous sommes encouragés par les résultats obtenus au 3e cycle (les 3 premières années du secondaire) où les professeurs appliquent ce code disciplinaire grâce à l'appui d'un directeur d'étude compétent.
Je suis aussi encouragée quand je vois des organisations, associations, structures diverses se battre pour le développement (le vrai), que ce soit par rapport à la santé, à la psychologie, à l'agriculture, aux conditions de vie des enfants et des femmes, etc.
Comme je te l'ai dit, Port-au-Prince n'est pas Haïti.
Je te souhaite une belle découverte de ce pays aux milles couleurs et aux milles contradictions !
PS : Merci pour ton blog et pour ce regard extérieur !
RépondreSupprimerBonjour Marie! Très chouette ton blog, très intéressant et instructif! Bonne idée... continue à écrire! Tout le meilleur, gros bisous. Léa
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